Geoffroy Gross et Olivier Lukaszczyk signent ensemble une installation intitulée “Accrochage, 27 août 1998“ : cette date est trompeuse, car seule une partie de l’installation peut avoir été faite en un seul jour. Il s’agit du tournage de la vidéo.
Pour le reste (l’effectuation des tableaux, la construction de la salle adéquate, l’ajustement de la vidéo-projection) les choses ont dû prendre un peu plus de temps. L’intérêt d’un titre légèrement trompeur est de nous focaliser sur un des aspects de l’installation – la vidéo, qui en effet saute aux yeux dès qu’on entre dans leur petite salle. Cette salle, je l’appellerai “la boîte“ parce qu’elle est malicieuse. En nous focalisant sur le tournage de la vidéo, les auteurs font preuve de malice.
Comment ça marche ? On entre dans la boîte en écartant un rideau. Sur la paroi du fond, une vidéo-projection. Les dimensions de la projection sont exactement celles de la paroi. Les personnages et les objets qui figurent dans la vidéo sont à l’échelle 1/1. Leur sol est notre sol, leur plafond, notre plafond. Tout semble concourir à créer l’illusion.Les deux compères (de la vidéo) sont en proies aux perplexités d’un accrochage de tableaux, ils font des essais, ils les étudient, ils changent d’avis, ils recommencent. La rhétorique est proche de celle du burlesque dans sa neutralité muette. Et les hésitations des accrocheurs sont comiques. Seulement voilà : on s’aperçoit assez vite de quelque chose qui cloche. L’écran que constitue la paroi du fond n’est pas tout à fait au point. Un vrai tableau y est accroché, évidemment de la même taille et au même endroit que celui que les deux rigolos de la vidéo accrochent. Idem sur le sol de la boîte : quelques tableaux sont posés, appuyés sur la paroi du fond, en presque parfaite homothétie avec ceux de la vidéo.“Presque parfaite“ : car il faut bien qu’un petit défaut nous ait fait comprendre la présence du réel sous le film posé de la projection.
L’image serait donc ici épiphénomène, pellicule, film posés sur du réel ? L’esprit prend alors plaisir à explorer cette question en acte, à essayer de trouver des indices, à lutter contre les reprises en main par l’image vidéo, à chercher du “comment c’est fait ?“, puis à revenir à la drôlerie de ce qui a été tourné le 27 août 1998. Une fois comprise la procédure, ce tournage et cette projection apparaissent soudain beaucoup plus subtils que prévu. Par une sorte de choc en retour de la compréhension, on peut se dire que le coup avai été préparé de longue main.
Les nouvelles images issues des nouvelles technologies font couler beaucoup d’encre et de salive : c’est qu’elles sont épatantes. D’où vient l’épate ? Du fait que le souci de vérisme de leurs créateurs arrive parfois à créer l’illusion.
Les illusionnistes sont épatants. L’installation de Geoffroy Gross et Olivier Lukaszczyk, quant à elle, commence par nous épater pour nous conduire audelàdu principe de l’épate. Dans leur boîte à malices, il y a aussi tout l’art de la question bien formulée.
Éric DUYCKAERTS, Paris janvier 1999.